@Banksy

« Les enfants vont bien ». Quoi de plus ordinaire que cette information, comme une simple ligne sur une carte postale, l’affirmation d’un quotidien bien banal? Les enfants vont bien, mais alors pourquoi renforcer cette évidence, pourquoi la nécessité de s’en persuader? De quoi cherche-t-on à détourner l’attention avec un brin de légèreté, presque rassuré que la vie suive son cours? Qu’y a-t-il à dédramatiser?

Au fil des pages, l’engagement de l’auteur prend forme, un regard critique s’esquisse par juxtaposition de citations. Nathalie Quintane, suivant une typologie préalablement introduite, relève ces mots qui constituent le bruit de fond de notre quotidien depuis 2015, acmé de la crise migratoire: voix de journalistes, de politiques, de citoyens; mais aussi textes de loi, paroles de bénévoles venant en aide aux migrants.

Seuls le placement, en haut, milieu ou bas de page et la police d’écriture permettent d’identifier l’émetteur. L’auteur espace les citations, permettant au lecteur de disséquer chaque élément, verbe sujet complément, de l’appréhender et de combler par sa pensée le blanc de la page restant.

La neutralité apparente du texte, dénué de commentaires, fait alors écho aux références de chacun. Pour l’un, une histoire de sa famille, proche ou éloignée, qui lui a été contée et qu’il ne peut s’empêcher de rapprocher de la situation actuelle de celles et ceux qui émigrent en France. Pour l’autre, une lecture plus attentive du jargon propre au droit des étrangers, œuvrant à une distanciation qui se veut objective pour mieux tamiser le caractère personnel de ces histoires tragiques.

Le choix des mots confronte le monde des idées aux faits. La mise en perspective des termes employés par différents acteurs met en exergue l’ambivalence entre nos croyances et une réalité intransigeante, celle d’une procédure administrative.

Le résultat s’avère choquant, surprenant.

Certains jugeront qu’il est bien facile de collecter ci et là des phrases et d’en faire un livre. Pourtant, loin d’être à la recherche d’une performance littéraire, Nathalie Quintane livre un témoignage saisissant de notre époque. Libre au lecteur de se forger une opinion – ou de survoler des pages parsemées de blanc.

Enora Lewandowski