Le mardi 9 février, les juré.e.s ont eu le plaisir d’échanger avec l’autrice de Chavirer (Actes Sud), Lola Lafon, pour un deuxième café littéraire. Ces échanges, bien qu’en Zoom, permettent une discussion toute en intimité avec les auteur.e.s. Les juré.e.s sont invité.e.s à se connecter un peu avant afin de discuter entre eux du roman, avant d’accueillir l’écrivain.e pour une heure d’échange.

Depuis sa sortie, la critique encense le texte de Lola Lafon et plusieurs prix en soulignent sa qualité : le Prix Landerneau des lecteurs, le Prix du Roman des Étudiants France Culture-Télérama, ainsi que le choix Goncourt de la Suisse.

Le roman de Lola Lafon bouleverse et ne peut laisser le lecteur indifférent. Ce qui est intéressant avec le format d’un café littéraire, c’est que c’est avant tout une rencontre. Ici, c’est une rencontre avec l’auteure, le style, la plume, la femme derrière les pages…

Dans un premier temps, les questions des juré.e.s portent sur les personnages, sur l’écriture du texte et sur la partie du roman qu’il faut écrire en premier, la fin ou le début, dans le désordre, sur les recherches effectuées, sur le titre choisi… Une jurée, particulièrement fan du style de l’autrice, fait une comparaison avec ses autres romans. En somme, des questions classiques.

Mais peu à peu, une seule question subsiste, brûle les lèvres des juré.e.s, qui essaient de la poser à demi-mot… Les juré.e.s se lancent donc sur l’imbrication du thème du roman avec l’actualité du moment : #MeToo, #MeTooIncest ou encore la sortie de La Grande Familia

Puis vient la question : « Avez-vous été agressée plus jeune ?« 

Lola Lafon reste évasive et parle plutôt des personnages de son roman. Elle n’en est pas à son premier essai, Une fièvre impossible à négocier (Flammarion, 2003) ou encore La Petite Communiste qui ne souriait jamais (Actes Sud, 2014),ses romans ont tous, de près ou de loin, un lien avec des femmes victimes de violences sexuelles. Victimes ? Non. Ces filles ne se définissent pas en tant que victimes. Quelque chose s’est passé, dans le cas de Chavirer, lorsqu’elles étaient jeunes, très jeunes, trop jeunes… Mais elles ont continué leurs vies, elles ont trouvé un travail, sont tombées amoureuses, ont eu des enfants… Mais reste « une écharde », une vision, un souvenir usé par le temps, la mémoire fait peut-être défaut mais le corps n’oublie jamais.

Le corps de Cléo est usé par la danse, certes, mais il est usé au plus profond. Comment oublier ce parfum qui lui donne la nausée sans qu’elle exprime pourquoi. C’est au lecteur de lire entre les lignes. C’est le lecteur qui a vécu, peu importe le traumatisme, qui comprendra le mieux. Et c’est ce que Lola Lafon explique aux jurés, il n’y a pas besoin d’écrire la scène, le ressenti de Cléo suffit.

Ce dialogue lors du café littéraire rempli de sincérité donne une nouvelle dimension au roman.

Flore Souesme