Yan Pei-Ming, Moonlight in Colour (2014)

Faire face, ancré dans son humaine condition : voici la conviction à laquelle la lecture de Mur Méditerranée conduit. 

Organisé autour des trois personnages principaux exclusivement féminins que sont Chochana, la Nigériane, Semhar, l’Erythréenne, et Dima, la Syrienne, ce récit empreint d’humanité plonge son lecteur dans l’ambivalence existante entre la tragédie causée le déracinement culturel d’une part et l’espoir suscité par l’exil d’autre part. 

Avec une empathie perceptible tout au long du roman, l’auteur démystifie l’expérience migratoire. Souvent considérés comme une masse obscure et dangereuse, ceux qui sont habituellement regroupés sous le vocable « migrants » retrouvent grâce à ce récit une humanité et une individualité bouleversantes. Cette individualisation de la tragédie migratoire se caractérise par une immersion du lecteur au coeur des parcours de vie des trois personnages principaux. Au travers des questionnements des protagonistes sur l’espoir véhiculé par le départ de leur terre natale comme sur leur légitime appréhension, mais également grâce à la narration des horribles sévices subis pendant le parcours en proie aux passeurs, l’humain est pleinement replacé derrière ce processus de migration, qui est habituellement décrit comme un phénomène informe et globalisé. L’impact des rencontres est mis en lumière comme pouvant forger une destinée et la vacuité des capacités financières face à la tragédie est rappelée. En réalité, tous placés au sens propre du terme dans le même bateau, c’est la condition humaine qui est mise en avant comme dernier rempart face à l’inimaginable. 

En outre, la question de la femme occupe elle aussi une place prépondérante dans ce roman, par le biais des personnages centraux. La volonté de l’auteur semble ici de vouloir mettre en lumière la vulnérabilité particulière de ces femmes dans cet interminable voyage vers l’Europe, tout comme leur force incommensurable face aux tortures qui leur sont infligées du fait de leur condition féminine. 

Dans un style authentique, parfois tranchant mais tombant toujours juste, Louis-Philippe Dalembert nous offre un récit qui pousse le lecteur à relativiser sa condition mais également à galvaniser en lui cette volonté d’engagement face à cette injustice innommable que subissent ceux pour qui traverser la Mer au péril de leur vie est le dernier recours. Poussant à une remise en cause salutaire du fonctionnement de nos sociétés sur bien des plans, ce roman est une invitation à replacer au centre ce qui aurait toujours dû être considéré comme l’essentiel : notre humanité. 

Camille Pacouill